Rapport publié le 22 septembre 2010

Rapport de la DGESCO sur les discriminations à l’école

Le rapport commandé par Luc Chatel sur les discriminations en milieu scolaire a été rendu public le 22 septembre. Basé sur l’audition de personnalités, associations et acteurs de l’éducation (dont le SNES et le SNUipp), il se focalise essentiellement sur le lycée, ce qui est regrettable. Les constats et analyses sont plutôt justes*, mais les propositions relèvent davantage de vœux pieux que de réelles perspectives d’améliorations.

Dans un premier temps il est rappelé en quoi les discriminations sont incompatibles avec le principe d’égalité, et avec « l’École, lieu privilégié de l’apprentissage d’un vivre-ensemble fondé sur la raison, la formation au dialogue et à la liberté. À ce titre, la lutte contre le harcèlement dont certains élèves sont victimes, en raison de leur sexe, leur orientation sexuelle, leur origine, leur handicap, leur apparence physique doit constituer une priorité absolue. » Les mécanismes de la discrimination et de la stigmatisation, ainsi que leurs conséquences, aussi bien sur les individu-e-s que sur l’établissement, sont expliqués.

Sont ensuite abordées successivement les discriminations liées au handicap, au genre (féminin/masculin), à l’orientation sexuelle, et au racisme, à l’antisémitisme et à la xénophobie. Collège et école primaire sont plus ou moins ignorés, et seul-e-s des lycéen-ne-s ont été auditionné-e-s.

Mais pour les propositions le rapport semble surtout faire état de vœux pieux.

Il s’agit par exemple de faciliter l’accès des établissements aux associations, et pas seulement dans un contexte de crise mais dans le but de construire des projets d’éducation sur la durée.

Le rapport recommande aussi de redynamiser la semaine d’éducation contre le racisme, voire de la transformer en semaine contre toutes les discriminations, comme le demande d’ailleurs le SNUipp. Mais il ne parle pas de rétablir les subventions aux associations, afin qu’elles aient les moyens de développer à nouveau leur matériel pédagogique…

La création de guides, une charte des manuels scolaires, des campagnes de presse sont envisagées.

L’institution doit « s’accorder des temps de réflexion pour comprendre pourquoi elle génère parfois des pratiques en contradiction avec ses valeurs » : l’organisation matérielle de cette réflexion demande à être précisée !

Si le rapport déplore le manque d’effectifs de CPE (et le fait qu’ils ou elles soient accaparé-e-s par les tâches administratives !), la proposition qui semblerait en découler tout naturellement n’est pas formulée… !

Certaines pratiques éducatives sont préconisées, comme le travail autour des mots, afin de lutter contre la banalisation des insultes. Sont soulignées « l’importance des mots et la nécessaire recherche de la précision du lexique, ainsi que la maîtrise du débat argumenté qui devrait être renforcé comme pratique de classe, conformément aux programmes en vigueur. Il permet la confrontation des idées et la recherche de la rationalité. (…) Outre l’action éducative préventive attendue, il est demandé, dans les situations de violence, une meilleure prise en charge des victimes et une action disciplinaire plus forte. » Est réaffirmée l’importance de l’éducation civique (ECJS en lycée). Il est bien dommage que l’école primaire apparaisse très peu dans ce rapport, alors qu’il est indispensable de travailler sur les préjugés et les stéréotypes le plus tôt possible, à l’âge où ils commencent à s’ancrer dans les esprits : ceci est expédié en une phrase… Il est nécessaire pour tou-te-s les enseignant-e-s et les CPE d’approfondir la réflexion par rapport à leurs propres représentations, leurs discours, leurs pratiques, les manuels scolaires. Ils et elles doivent amener les élèves à déconstruire les préjugés, et les faire réfléchir à ce qui les unit : mais quels moyens concrets va-t-on consacrer à cela ? Les chefs d’établissements seraient également mis-es à contribution, notamment pour impulser des actions à inscrire dans le projet d’établissement. Toutes ces préconisations nécessitent des formations solides, qui sont à mettre en place à une grande échelle ! Il faudrait donc des efforts conséquents, voire considérables, au niveau de la formation initiale et continue : comment cela pourrait-il être réalisable dans le contexte actuel de destruction de la formation dans toutes ses dimensions ?**

Non, monsieur le ministre, commander un rapport ne peut suffire, pas plus que la seule inscription de la lutte contre les discriminations dans les priorités du ministère. Si on veut vraiment, efficacement, lutter contre les discriminations en milieu scolaire et les souffrances qu’elles engendrent, il faut savoir se donner les moyens de ses ambitions !

Et puis, pour reprendre l’interrogation de journalistes de l’AEF, « On se demande bien comment un gouvernement qui instille la détestation de l’autre en désignant aujourd’hui comme boucs émissaires les "Français d’origine étrangère" ou d’autres groupes de la population, pourra demain être crédible pour lutter contre les discriminations… »

Cécile Ropiteaux

* d’ailleurs je vous en recommande la lecture : http://www.education.gouv.fr/cid53260/discriminations-a-l-ecole.html

** La FSU, avec le collectif Éducation contre les LGBT-phobies en milieu scolaire, travaille actuellement à l’élaboration de journées de sensibilisation en région. Parce que même si le rapport prétend que « les plans académiques de formation proposent désormais des modules relatifs à la lutte contre les discriminations et plus spécifiquement à la prévention de l’homophobie », les membres du collectif estiment que ces formations sont la plupart du temps le fruit d’histoires militantes et de personnes motivées, qu’elles restent confidentielles et facultatives, et que l’offre est loin d’être généralisée…