Il y a 120 ans, en 1894, Rosa Luxembourg écrivait : « Aussi longtemps que la lutte des travailleurs contre la bourgeoisie et les classes dominantes continuera, aussi longtemps que toutes les revendications ne seront pas satisfaites, le 1er mai sera l’expression annuelle de ces revendications… »
En ce 1er mai 2014, c’est cette mémoire des luttes qui nous rassemble, et ce sont aussi les combats actuels pour les droits des travailleuses et travailleurs, ici et partout dans le monde.
En France, F. Hollande a pris la mesure du rejet de sa politique avec le résultat des élections municipales, mais il n’a pas entendu les électrices et électeurs de la bonne oreille ! Sa réponse a le mérite de la clarté : en nommant Valls premier ministre, il envoie un signal à l’électorat de droite, il confirme, voire renforce l’orientation libérale du gouvernement, avec à la clé tour de vis austéritaire et cadeaux au Médef, déguisés sous l’emballage du pacte de responsabilité. C’est toujours le même dogme de la compétitivité et du coût du travail qui s’exprime, quand le coût du capital n’est même plus évoqué. Rappelez-moi qui avait pour ennemi la finance ?? Toute la valeur ajoutée provient du travail, il y en a assez qu’elle soit confisquée !
Le nouveau ministre du travail, un certain François Rebsamen, prétend qu’il ne s’agit pas de cadeaux au patronat mais de « soutien à l’emploi »… Nous n’avons pas dû lire les mêmes analyses ni les mêmes bilans : depuis 1993, les politiques d’exonérations des cotisations sur les bas salaires ont eu pour effet la création limitée d’emplois précaires et/ou à bas, voire très bas salaires, avec pour conséquences le développement de la précarité et un frein sur l’ensemble des salaires. Si on additionne le chômage et les emplois inadéquats c’est presque la moitié de la population active qui est touchée ! Et on nous parle de flexibiliser davantage ? Et le Médef tire à boulets rouges sur le SMIC et le Code du travail !
On est bien dans la spirale de l’austérité et de la récession, dans la continuité de la course au moins disant social, qui touche toute l’Europe. Ce n’est pas en rognant toujours plus le pouvoir d’achat des ménages et les budgets des collectivités territoriales qu’on va relancer l’activité ! Il est vrai, Valls a ajouté le mot solidarité au Pacte de responsabilité… Mais c’est pour reprendre d’une main ce qui est donné de l’autre : l’augmentation du salaire net pour le SMIC se fera au détriment du financement de la protection sociale ! En l’absence de contrepartie demandée au patronat, ce sont les salarié-es, les retraité-es et les privé-es d’emploi qui paient la facture : gel du point d’indice des fonctionnaires, blocage des retraites et coupes dans les prestations sociales. Les populations les plus fragiles vont voir les prestations sociales nécessaires à leur survie limitées et les services publics garantissant leurs conditions d’existence affaiblis. C’est bien notre modèle social qui est remis en cause !
Il y a d’autres remèdes à la crise ! Au lieu de réduire drastiquement les dépenses publiques, il conviendrait d’augmenter les recettes : on voit bien que ce n’est pas le choix qui a été fait. Où est par exemple la réforme fiscale promise, celle qui redistribuerait les richesses pour plus de justice sociale ? Enterrée ! Ce gouvernement se prétend de gauche, mais nous ne pouvons que constater la continuité avec les politiques de droite précédentes, et il n’y a aucune raison que nous nous gardions de les dénoncer de la même façon ! Et c’est dans l’unité syndicale la plus large que nous devrions le faire ! La FSU appelle d’ailleurs à une mobilisation massive dans la Fonction Publique le 15 mai.
Ce mois de mai est aussi celui d’élections pour renouveler le Parlement européen. C’est pour nous l’occasion de réaffirmer la nécessité de travailler à la convergence des revendications et des luttes entre les salarié-es de tous les pays, contre le dumping social et fiscal qui met en concurrence les états entre eux, les salarié-es entre eux, et provoque des réflexes nationalistes d’un autre âge, pour une Europe de la solidarité.
Il y a un an s’écroulait au Bangladesh l’immeuble du Rana Plaza, où travaillaient des ouvrières du secteur textile qui avaient pourtant donné l’alerte en constatant des fissures sur les murs. 1135 de ces salariées ont payé de leur vie le cynisme de grands groupes, parmi lesquels de grandes enseignes françaises, dont certaines nient leur responsabilité. Cette recherche des profits à tout prix est scandaleuse.
Il y a 70 ans, les Françaises obtenaient enfin le droit de vote ! Le combat pour les droits des femmes et l’égalité est loin d’être achevé lui aussi, il n’y a qu’à voir les différences de salaires et de retraites, et la loi sur la parité en politique n’entraîne pas une représentation égalitaire dans les assemblées ! Notre droit à disposer de notre corps est sans cesse remis en cause : au niveau européen, une initiative citoyenne visant à reconnaître le statut de l’embryon, et donc interdire l’avortement, a recueilli 2 millions de signatures ! Elle fera l’objet d’une proposition de loi après les élections européennes, ce qui montre s’il en était besoin l’importance du choix des député-es que nous allons envoyer au Parlement européen !
Il y a un an, nous fêtions l’ouverture du mariage à tous les couples. Aujourd’hui, des ministres se rabibochent avec La Manif Pour Tous et Valls annonce, depuis le Vatican, le recul définitif concernant la PMA ! Bel exemple de laïcité ! Donner des gages aux réactionnaires qui expriment bruyamment leur haine et leur désir d’exclusion, où cela mène-t-il ?
Il y a 19 ans, Brahim Bouarram était jeté dans la Seine en marge du défilé de l’extrême-droite. Il est mort, noyé, parce qu’il était Arabe. Tous les ans, un hommage lui est rendu contre l’oubli, et à la mémoire de toutes les victimes du racisme. Nous n’oublions pas non plus la mort de Clément Méric l’année dernière, parce que militant anti-fasciste…
Il y a 12 ans, suite au 21 avril 2002, nous étions ici plusieurs milliers dans la rue pour dire stop au FN ; aujourd’hui, « ils ont pris 14 villes déjà », quand Zebda en déplorait 4 en 1995… Là aussi, nous devrions être toutes et tous au coude-à-coude pour faire un barrage syndical à la montée de l’extrême droite ! Oui, il est urgent et nécessaire de lutter contre l’extrême-droite, ses idées, ses pratiques, contre toutes les extrêmes-droites qui s’en prennent aux droits des femmes, qui attaquent l’école publique, qui calomnient les études de genre, pourtant véritable levier pour lutter contre les inégalités de sexes… l’extrême-droite qui refuse de commémorer l’abolition de l’esclavage, qui ne renonce pas à réhabiliter à mots plus ou moins couverts notre passé colonial… l’extrême-droite qui tient un discours pseudo-social, reprenant nos thèmes, parfois nos symboles et nos slogans, mais qui ne remet jamais en cause la mainmise de la finance et du capital sur les richesses produites par les salarié-es. Nous l’affirmons haut et fort : l’extrême-droite est incompatible avec notre projet syndical, avec les intérêts des salarié-es, des privé-es d’emploi, des retraité-es ! Ce vote pour le FN prospère en se nourrissant de la désespérance sociale : cela nous conforte encore dans notre rejet des politiques d’austérité, quel que soit le gouvernement qui les met en place. Il est urgent et nécessaire de s’unir pour donner des perspectives à celles et ceux qui souffrent, pour imposer une alternative à ces politiques d’austérité.
Je voudrais pour finir redonner la parole à Rosa Luxemburg : « Et, quand des jours meilleurs se lèveront, quand la classe ouvrière du monde aura gagné sa délivrance, alors l’humanité fêtera probablement aussi le 1er mai, en l’honneur des luttes acharnées et des nombreuses souffrances du passé ».