Courrier de Bernadette Groison aux député-e-s – 13 juillet 2010
Bernadette GROISON
Secrétaire Générale
Les Lilas, 13 juillet 2010
Madame, Monsieur le député,
Le gouvernement vient de faire le choix d’une réforme des retraites injuste et beaucoup plus brutale que ce qui s’est fait dans la plupart des autres pays et d’une rigueur qui va creuser les inégalités et risque de compromettre la reprise économique ouvrant ainsi la porte à de nouvelles régressions.
La FSU a demandé dès le début des discussions un bilan des réformes précédentes de 1993 et 2003. Elle constate pour sa part une baisse du niveau des pensions et une aggravation des inégalités, notamment entre les hommes et les femmes. La nouvelle réforme des retraites est élaborée sans même un diagnostic sur cette question.
De même, il n’a jamais été possible d’avoir un débat sur la question essentielle du financement des retraites. Or, le cadre gouvernemental contraint du budget, le gel en valeur des dépenses de l’État annoncé, le gel de « l’effort de l’État » au financement des retraites des fonctionnaires de l’État évacuent toute possibilité d’amélioration des retraites actuelles. L’effort demandé aux hauts revenus et aux entreprises ne couvrira au mieux que 10% des besoins de financement, bien moins que ce qui est exigé des fonctionnaires. Les fonctionnaires, outre les mesures d’âge communes à tous les salariés, vont se voir imposer des régressions, notamment par l’alignement du taux de retenue pour pension avec le taux de cotisation du privé aggravant la perte de leur pouvoir d’achat, représentant à terme 5 milliards d’euros alors que les prélèvements sur le capital et les hauts revenus se monteraient à seulement 4,6 milliards. Et aucune mesure ne viendra compenser cela puisque le gouvernement vient de décider le gel des salaires pour 2011 et, on peut le craindre, pour les années suivantes. Les traitements des fonctionnaires de l’État sont inscrits au budget, les retenues pour pension alimentent un autre programme du même budget : le relèvement du taux opère donc une simple économie pour l’État au détriment de ses agents qui verront baisser leurs salaires nets de façon sensible, de l’ordre d’un jour de salaire par mois à terme du fait de cette seule mesure.
Pour la FSU il est nécessaire de chercher de nouveaux financements pour assurer l’avenir du système de retraite par répartition. Une réforme juste et équitable de la fiscalité s’impose.
Confisquant aux salariés l’allongement de l’espérance de vie, cette réforme projette de reporter l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. Avec le décalage de deux ans à un rythme rapide de l’ensemble des bornes d’âge, âge d’ouverture des droits et âge de départ sans décote, tous les salariés vont devoir travailler plus longtemps pour des retraites plus basses. Aucune mesure dans le projet de réforme n’est de nature à améliorer l’emploi, notamment celui des « seniors », alors que chacun sait qu’il s’agit d’une variable fondamentale pour l’équilibre des régimes de retraite. Et le gouvernement poursuit dans la Fonction publique sa politique désastreuse de suppression de l’emploi d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, à l’encontre des recrutements pénalisant ainsi les jeunes qui voient reculer l’accès à un emploi stable et font le compte : la durée d’activité pour une retraite complète leur est par avance inaccessible !
Le relèvement des bornes d’âge prévu entraînera une baisse générale des pensions et aggravera les injustices en matière de retraites.
Dans la Fonction publique, la restriction de l’accès au minimum garanti frappera les moins rémunérés, et plus particulièrement les femmes. En application du minimum garanti, près de la moitié des agents de la Fonction publique territoriale (54% des femmes et 39% des hommes en 2008) voient leur pension mensuelle majorée de 150 € en moyenne. La mise sous condition du minimum s’appliquera à ceux des agents qui ont les plus courtes durées d’assurance : en moyenne, les femmes totalisent 6 trimestres de moins.
Il convient enfin de noter que les dispositions de l’article 19 du projet de loi sont prévues pour s’appliquer immédiatement dès l’entrée en vigueur de la loi.
L’article 18, mettant fin au droit des mères de trois enfants à la liquidation de leur pension dès lors qu’elles totalisent quinze années de service crée une très vive inquiétude et un sentiment d’injustice parmi les personnes concernées. Les nouvelles règles de calcul de la pension pour celles dont le droit est maintenu les priveraient de fait de la possibilité d’exercer ce droit. Le report de la date extrême d’une demande de pension du 13 juillet au 31 décembre 2010 est ressenti comme un soulagement mais il ne règle rien au fond. Cette rupture brutale, alors que le COR recommandait une nécessaire progressivité, va conduire des milliers de femmes fonctionnaires à cesser de manière précoce et contrainte leur activité professionnelle. En outre, fixant au 1er juillet 2011 la date limite pour la radiation, le gouvernement a fait le choix de laisser vacants de nombreux postes dans une période où des tâches essentielles, comme les examens et la préparation d’une rentrée scolaire doivent être accomplies. Et ce sont les missions les plus féminisées qui seront pénalisées, c’est-à-dire l’éducation, la santé et les missions sociales…
La situation faite aux mères de famille émeut l’ensemble des agents et ils ont bien compris que derrière cette décision, il y a bien la contestation de toute possibilité de retraite avant l’âge légal.
Le projet de loi est muet sur la situation des agents de la Fonction publique actuellement en cessation progressive d’activité (CPA) qui ont pourtant fait un choix irréversible pensant possible un départ en retraite à 60 ans.
Certains agents se trouvent actuellement en situation de se voir radiés des cadres avant l’âge de 60 ans et quatre mois ou 60 ans et huit mois, et pourraient se voir priver de la possibilité de liquider leur pension lorsqu’ils cesseront leur activité.
D’autres perçoivent un traitement inférieur à la pension à laquelle ils auront droit. Ils se trouveraient donc en situation de voir se prolonger une période de faibles revenus.
Si le gouvernement propose finalement, et nous en prenons acte, de maintenir le bénéfice de la catégorie active pour les personnels ayant intégré un autre corps en fonction d’accords statutaires, rien n’est envisagé pour améliorer les conditions de travail. Bien loin de prendre en compte la pénibilité dans une dimension collective, ce projet comporte de nouvelles régressions en réduisant à une infime minorité les cas susceptibles d’être pris en compte. Il durcit l’ensemble des conditions d’accès aux services actifs. Les agents non titulaires de la Fonction publique n’auront d’ailleurs accès à aucun des dispositifs : ni à celui du projet de loi, ni aux dispositions propres au code des pensions.
Au total ce sont les salariés qui vont subir l’essentiel de l’effort dans des conditions qui vont accroître les inégalités : les femmes et les jeunes vont être particulièrement pénalisés comme tous ceux qui ont connu des périodes de précarité. La création du comité de pilotage laisse présager l’intervention de régressions nouvelles dans les années prochaines. Nous comprenons le rendez vous de 2018 comme l’ouverture vers des âges encore supérieurs à ceux annoncés aujourd’hui. Loin de garantir les retraites par répartition, le projet de loi installe la défiance quand à la pérennité des droits, et invite chacun à se tourner vers l’épargne privée.
Les propositions de la FSU n’ont nullement été entendues comme la prise en compte des années d’études et de formation dans le calcul des retraites, la prise en compte des temps de précarité, la situation des fonctionnaires polypensionnés, l’amélioration de la CPA, la reconnaissance du PACS pour la réversion…
Le gouvernement a choisi un calendrier précipité, écartant les discussions en réunions multilatérales, et toute discussion sur le projet de loi.
Dans le prolongement des reculs imposés en 2003 et en 2008, le projet de réforme aggraverait encore la situation de l’ensemble des agents publics. C’est pourquoi la FSU rappelle son exigence de retrait du projet de loi de réforme des retraites et demande l’ouverture de réelles négociations afin de trouver des solutions justes pour pérenniser les retraites par répartition et améliorer le code des pensions.
Dans un cadre intersyndical, après les fortes mobilisations du 24 juin, la FSU appelle à une nouvelle journée de grèves et de manifestations le 7 septembre prochain afin de faire entendre le refus de cette réforme et ses propositions.
Je vous prie de croire, Madame, Monsieur le député, en l’expression de mes salutations respectueuses.
Bernadette GROISON
Secrétaire Générale