Stage national FSU : Interventions de l’association VISA (Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes), qui regroupe des syndicalistes de la FSU, de la CGT, de la CFDT et de Solidaires.

Le F-haine a-t-il changé ?

Ce parti a surtout travaillé à se construire une façade de respectabilité, notamment en remplaçant Jean-Marie Le Pen par sa fille. Mais il suffit de creuser un petit peu pour que le vernis craque et que l’on retrouve le même vieux fond d’idées rances, classique de l’extrême-droite.

Même si Marine Le Pen semble incarner le courant moderniste, même si on a une femme pour la première fois à la tête d’un parti d’extrême-droite, le changement n’est qu’apparent. Ce mouvement a toujours fait preuve d’une grande capacité d’adaptation. Il se définit comme ayant un programme national et social (!), mais c’est avant tout un programme à géométrie variable, qui contient tout et son contraire, en fonction de ce que l’électeur potentiel veut entendre, et qui se caractérise par une prise de distance certaine avec la vérité, notamment en ce qui concerne l’utilisation des statistiques. La faisabilité ou la crédibilité des mesures proposées importent peu également, comme la sortie de l’euro par exemple. Seule compte la capacité à emporter l’adhésion des gens, la cohérence est un problème annexe.

Ses thèmes de prédilection n’ont pas changé, et prennent leurs racines assez loin en arrière, par exemple en 1938 pour la préférence (ou priorité) nationale. Le FN se présente comme le seul rempart à la mondialisation débridée, égratignant au passage les altermondialistes : « agitateurs masqués de l’idéologie réécrite des pères fondateurs du communisme », ou bien agents du Hamas. Il surfe sur les peurs, et prône comme seule solution le repli identitaire, xénophobe, face aux menaces qui pèseraient sur l’identité européenne.

Sur d’autres points du programme, on constate au contraire un changement de cap : alors que son père fustigeait en 1974 l’état « pléthorique et impuissant », pour ensuite dénoncer l’état providence dans les années 80, La Pen se présente comme la championne de l’état fort, tout comme le faisait le colonel de Laroque en 1936.

Elle se réclame de la laïcité, pour mieux poursuivre sa croisade contre l’islamisation du pays, et parallèlement définit liberté, égalité, fraternité comme des « valeurs chrétiennes sécularisées », interprétation qui en dit long, même si les catholiques traditionalistes n’ont plus guère de poids au sein du parti. Son utilisation des mots doit être décortiquée : en parlant d’immigration-invasion, d’occupation, elle se place du côté de la résistance… Ce à quoi on peut répliquer par exemple que son soutien au référendum suisse contre les minarets s’apparente étrangement à la dénonciation de la mosquée de Paris par Charles Maurras ! Ou que Céline désignait déjà les Chinois comme une menace…

Malheureusement, force est de reconnaître le succès de cette stratégie de dédiabolisation, le parti est devenu républicain-compatible, il n’est plus ostracisé par la droite. Cette même droite qui porte d’ailleurs une lourde responsabilité dans la banalisation des idées de l’extrême-droite, que ce soit par la récupération des thématiques (sécuritaire, stigmatisation des musulmans), ou par le rapprochement décomplexé effectué par la Droite populaire en direction du FN. Nicolas Sarkozy reprend le discours frontiste, ainsi que d’autres sources qu’il se garde bien de citer : « la racaille étrangère dans la France dépotoir » était mentionnée dans Le Matin (1937).

Tentatives de séduction des enseignant-es :

Marine Le Pen veut le pouvoir, elle s’adresse donc à l’ensemble des catégories professionnelles, elle essaie de gagner des voix partout et de séduire les classes moyennes, notamment les enseignant-es. Mais c’est toujours la même sauce idéologique. Néanmoins, des digues ont cédé dans le monde enseignant par rapport au FN. Son discours sur l’école a changé : il y aurait un « tournant républicain », son programme ne vise plus à détruire l’école de la République, mais à la restaurer. En fait, cela fait un siècle que l’extrême-droite a un double discours sur l’école. Il faut voir aussi ce qu’il n’y a PAS dans le programme. Le FN a une vision de l’école comme un sanctuaire, l’école doit instruire sans éduquer, et sélectionner les plus méritants. Il faut la recentrer sur le français, le calcul, l’histoire-géographie (pour former un citoyen fier de son pays…), la morale, restaurer l’autorité du professeur, privilégier la méthode syllabique (et non les inventions des dangereux pédagogues qui ont gâché l’école publique !). La pédagogie ne serait pas laïque, car elle introduit des choix politiques à l’école dans le but de manipuler les esprits ! Il faut reconnaître que ce programme est habile, mais il manque totalement de sincérité. Il est habile pas seulement pour l’opinion publique mais aussi par rapport aux enseignant-es parce qu’il aborde le problème de la montée de la violence et la persistance de l’échec scolaire. Mais les solutions préconisées sont simplistes. Il faut chercher derrière le double discours : le FN prétend qu’il y a eu des malentendus, alors qu’il a toujours eu une véritable haine pour les enseignant-es et l’école publique qu’ils portent. Encore en 2011, le FNJ parlait dans un argumentaire de l’Éducation nationale comme un monstre, ce qui est une métaphore classique du FN sur l’école, et était favorable au chèque-éducation.

Extrême-droite et syndicats :

Historiquement, l’extrême-droite s’est toujours intéressée au syndicalisme (beaucoup plus tôt que l’inverse) car les syndicats sont un obstacle à son projet fondamental de créer un état fort avec un peuple uni derrière un chef, sans lutte de classes, au travers de l’alliance du capital et du travail. Il y eut des tentatives de créer des corporations verticales concurrentes des syndicats, elles ont échoué grâce à une mobilisation large. L’extrême-droite n’apprécie pas vraiment les grèves et les « désordres » et se garde bien de soutenir les mouvements sociaux, voire s’énerve après les grévistes ! Mais le FN a lancé une nouvelle offensive dans les entreprises depuis 2011, tentant de discréditer les syndicats, qui se laisseraient acheter par les patrons, et attirant parallèlement quelques responsables syndicaux. Là encore, la réaction des syndicats doit être forte, publique et unitaire. Non, le FN n’est pas un parti comme les autres, il est incompatible avec les valeurs que nous portons.

Dans nos organisations syndicales, quand nous dénonçons ce parti, ce n’est pas une question de politique, mais une question d’humanisme, d’antiracisme, conformément à nos mandats. Il s’agit du contexte sociétal de notre activité, et il faut faire partager cette responsabilité de contre-propagande à tou-tes nos syndiqué-es !

A noter : l’association VISA vient de produire une série de documents dont une nouvelle brochure :

"Contre le programme du FN / un argumentaire syndical" :

http://www.visa-isa.org/