Retraites : L’heure du bilan ?

Dans un enchaînement précipité, la loi sur la réforme des retraites a été votée par le Parlement, validée par le Conseil Constitutionnel, et promulguée par le chef de l’État. Auparavant, les médias avaient sonné le glas de la mobilisation, décrétant la fin du mouvement, et comptant les points de chaque camp. Mais devons-nous nous conformer à cette vision binaire qui cherche à savoir qui a gagné ou perdu ? Il nous semble que l’analyse de la situation devrait être bien plus complexe. Certes, la loi est passée, alors que nous avons mis toutes nos forces à nous y opposer. En revanche, nous avons « gagné » la bataille de l’opinion, nous avons expliqué, discuté, argumenté, démonté les discours dominants, prouvé que d’autres alternatives sont possibles. Et nous avons convaincu, récoltant le soutien de plus de 70 % de la population. Et puis envisager le bilan en terme de victoire ou de défaite, cela ramènerait l’affrontement contre ce pouvoir à une sorte de « jeu », alors que ce qui est en question, c’est le droit fondamental de toutes et tous à vivre dignement, et non pas à simplement survivre.

Oui, à plus de 70 %, nous avons réclamé une autre réforme, plus juste, plus solidaire, nous avons revendiqué pour toutes et tous une vie digne avec des revenus décents, nous avons réaffirmé notre opposition au système libéral, nous avons lutté pour une meilleure répartition des richesses et davantage de justice sociale, dépassant le simple cadre du combat contre cette réforme. Et nous continuerons, la page des retraites n’est pas tournée, et nous nous battrons également sur les questions d’emploi, de salaires, de précarité, de protection sociale, puisque, comme l’affirmait la plate-forme intersyndicale dès le printemps, ces questions impactent aussi le financement des retraites.

Un autre « gain » véritable, ce sont les liens que nous avons tissés dans les luttes avec d’autres militant-e-s et citoyen-ne-s, la (re)découverte d’actions collectives, les contacts interprofessionnels, intergénérationnels, intersyndicaux, internationaux, mêmes, puisque notre mouvement a suscité de nombreux témoignages de soutien de l’étranger : Allemagne, Belgique, Espagne, Maroc, Brésil, … Une raffinerie belge s’est même mise en grève par solidarité, pour empêcher le ravitaillement de camions-citernes français. Tous ces liens nous permettront de poursuivre le combat, de continuer à construire actions et mobilisations.

La tentation de la résignation ou du découragement est parfois grande, mais notre colère est intacte. Nous saurons mobiliser encore et encore cette énergie pour nous engager pleinement dans les luttes à venir et faire valoir nos droits élémentaires, pour une société plus juste et plus solidaire.

Cécile Ropiteaux

10 novembre 2010