Première année d’existence de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale de Côte-d’Or : état des lieux

La Direction Départementale de la Cohésion Sociale de Côte-d’Or, installée à la Cité administrative Dampierre et à la rue d’Auxonne à Dijon, entre dans sa première année d’existence. Un nouveau service de l’État créé officiellement par le décret du 03 décembre 2009 portant sur l’organisation et les missions des Directions Départementales Interministérielles. Un nouveau service de l’État dont le dysfonctionnement officieux traduit les conséquences d’une réforme conduite à la hussarde.

La fusion des anciens services de l’État écrase toute leur histoire et leur vocation première. La pseudo modernisation de l’État s’apparente à des méthodes inefficaces de fonctionnement détachées de toute prise en compte de la réalité sociale. Le paradoxe est on ne peut plus frappant : un nouveau service de l’État dédié à la cohésion sociale existe sans qu’un réel esprit de cohésion des missions au sein des équipes ne soit développé par sa direction.

Le concept fumeux, fourre-tout de cohésion sociale est accompagné d’une épaisse fumée qui enveloppe les missions du personnel, qui tente de masquer les nouvelles règles du management public et qui s’élève parfois concrètement des sols du bâtiment en travaux.

1. L’arrivée des différents personnels de l’ex-DDASS, de la Préfecture, de la DDE et de Jeunesse et Sports à la DDCS de Côte-d’Or : un parachutage masqué par une pseudo démarche volontaire d’affectation des agents

Les personnels n’ont pas choisi de quitter les services d’origine pour un nouveau service dénué de sens. Le préfigurateur et actuel directeur de la DDCS s’est montré soucieux de voir les personnels intégrés la DDCS sans aller contre leur volonté. Avaient-ils vraiment le choix ? C’est bien entre les différents chefs de service que la répartition des personnels a été réalisée dans les différents services selon une clé de répartition des effectifs appliquée à la lettre. La seule logique du nombre d’ETP a prévalu, prévaut encore et ne cessera pas de prévaloir de sitôt.

Au nom de la polyvalence des personnels de la cohésion sociale, les cœurs de métier sont progressivement attaqués dans le nouveau champ interministériel. Les compétences spécifiques sont méprisées, l’exécution des tâches administratives est mise à l’honneur. Les missions de conseil, de formation, d’expertise ne sont portées que par celles et ceux qui tentent de les défendre encore dans une logique de sauvegarde du sens et de continuité du service public.

La direction, pour plaire au Préfet auquel la DDCS est directement rattachée, accorde toute l’importance au traitement administratif des dossiers sans prendre le temps de considérer véritablement les aspects techniques et pédagogiques. Si la forme doit prendre le pas sur le fond, ce n’est pas au nom de cette nouvelle ambiance administrative qu’une nouvelle culture de métiers, une nouvelle histoire de service pourront se construire. Faire de beaux tableaux, de belles notes pour le Préfet ne suffit pas. Les écrits ne peuvent traduire à eux seuls la réalité des problématiques actuelles. La connaissance des attentes du monde associatif, de la jeunesse et des autres publics et les réponses adéquates à leur apporter ne pourront se dispenser des actions concrètes menées avec ces acteurs de la vie citoyenne du pays. Ce qui suppose de maintenir les partenariats entre l’État et le monde associatif, d’accompagner le développement des projets associatifs. Se laisser enfermé dans un bureau par les diverses contingences administratives du moment, dont le caractère urgent est bien relatif, est un signe de cette déshumanisation en marche de l’administration.

La DDCS reste peu lisible pour le public et pour le personnel livré à lui-même. Il est évident que la composition de la DDCS est le fruit déjà décomposé de l’arrivée forcée de personnels à qui il a été demandé de renoncer à leur structure d’origine et insidieusement à leurs compétences spécifiques. On ne voit pas en quoi cette Direction Départementale Interministérielle fourre-tout aurait pu présenter des atouts “sexy” prônés par son préfigurateur et actuel directeur.

2. Les nouvelles règles de management public

Malgré des intentions louables de dialogue social et de construction concertée du service manifestées par la direction, on ne peut que constater les effets limités de ces intentions en terme d’actions par :

l’annulation d’un règlement intérieur expérimental construit avec le personnel dans l’attente d’un règlement national prévu en fin d’année qui risque fort d’écraser les conditions de travail propres à chaque catégorie de personnel ,

une note stratégique élaborée par la seule direction et diffusée au Préfet , l’introduction de cette note indiquant une volonté de concertation avec le personnel après approbation par le Préfet… ,

l’élaboration de projets de service emprunt du concept de cohésion sociale et de missions fourre-tout venant brouiller les spécificités des missions galvaudées par une intention grotesque de mélange de publics complétement décalée par rapport à la réalité (des personnes dites “vulnérables” qui devraient bénéficier d’aides telles que les coupons-sport, des conseillers techniques et sportifs qui pourraient se tourner vers les sans abris dans le cadre de la promotion des disciplines sportives, des jeunes vulnérables devant faire preuve d’initiatives et conduire des projets).

A l’issue de chacune des réunions d’information syndicale menées au sein des trois services de la DDCS, une note adressée au directeur et, au nom du dialogue social, une réunion entre les représentants du personnel et ceux de la direction ont permis de concrétiser les revendications communes aux personnels. Mais l’enjeu de la direction reste d’avoir le dernier mot et de clôturer définitivement par de bonnes intentions chaque réunion. Comme si un directeur pouvait rassurer en utilisant les mêmes concepts inlassablement répétés d’”ensemblier”, de “lien social” ou des expressions toutes faites du type “en finir avec le Koh Lanta administratif”. Les nouvelles formes de management public sont désormais bien visibles, la langue de bois y règne.

Jamais l’écart entre la direction et le personnel n’a été aussi grand, deux mondes se côtoient sans se comprendre. Les décalages entres entre le discours et l’action, les digressions et l’approche directe des problématiques, la volonté de personnaliser les problèmes et celle de les placer dans un cadre de fonctionnement institutionnel sont vertigineux. L’illusion d’une démarche de concertation du personnel dans la mise en œuvre du service est donnée.

La volonté de la direction de “caporaliser” les services vient couronner le tout. Il est en effet vivement souhaité que des chefs de bureaux soient désignés pour contribuer à l’organisation verticale des services. Des chefs de bureaux responsables des politiques de jeunesse ou de vie associative ou encore des politiques sportives. Des chefs de bureau qui seraient partout et nul part à la fois, leurs missions restant spécifiques. Un fonctionnement diamétralement opposé au fonctionnement le plus souvent horizontal qui animait les services de la Jeunesse et des Sports (les conseillers, professeurs de sport et inspecteurs étant de la même catégorie A).

Pour terminer, de surprenantes manœuvres de déstabilisation en cercle restreint ont pour objectif de faire plier le conseiller qui résisterait encore face à cette volonté de fonctionnement hiérarchisé à outrance. Il est reproché aux conseillers de travailler dans leur petit coin, de faire preuve d’initiatives… , de ne pas avoir rendu compte directement au directeur de leurs faits et gestes. Des remarques farfelues que l’on peut retrouver jusque dans les fiches récentes de notation du personnel.

3. Des conditions de travail du personnel et d’accueil du public entravées par des travaux incessants

Pour matérialiser ce contexte de délabrement, des travaux sont menés en permanence dans le bâtiment. Différentes phases d’aménagement se succèdent sans que les conséquences sur les conditions de travail du personnel et d’accueil du public n’aient été mesurées. Les travaux gagnent parfois l’espace d’accueil de la DDCS, un bruit de fond rythmé par l’utilisation des perceuses accompagne alors l’information au public…

Privilégier la rénovation des sanitaires situés au rez-de-chaussée du bâtiment à celle des salles de réunions qui restent bien peu accueillantes est assez surprenant. Un changement de chaudière prévue en cette fin de mois de novembre occasionnant une autorisation exceptionnelle d’absence du personnel d’une demi-journée. Il est ainsi permis de s’interroger sur les priorités accordées aux travaux.

L’enchevêtrement persistant de tables et des chaises dans les couloirs ne contribue pas à donner une image favorable de la modernisation en marche de l’État. Les conditions d’hygiène et de sécurité laissent perplexes : toilettes inutilisables, pieds de tables et de chaises renversés constituant autant d’obstacles pour le public circulant dans les couloirs, amas de fils et mauvaise odeur persistante de la moquette d’une salle de réunion, manque d’éclairage de certains bureaux, poussière accumulée dans les couloirs. Une liste de travaux imposés et d’espaces non aménagés qui sont autant de signes d’une indifférence manifestée à la présence des personnels et du public dans le bureau.

La Direction Départementale de la Cohésion Sociale n’a pas d’autre histoire que celle rapportée par les anciens services dont sont issus les personnels. Les perspectives d’avenir sont à la hauteur de cette absence de fondement. Difficile d’avoir l’esprit clair et bien réactif dans de telles circonstances. Les fondements des services de l’État, le sens du service public partent en fumée et cette fumée rend parfaitement opaque ce qui se construit. Il nous reste à préserver ce qui peut encore l’être, tenter d’embrayer ce rouleau compresseur poussé par le gouvernement, les ministères, les préfectures et les directeurs des Directions Départementales Interministérielles de même que les Directions Régionales Interministérielles.

Le prochain Comité Technique Paritaire de la DDCS Côte-d’Or se tiendra durant la première quinzaine de décembre de cette année. Cette instance ne doit pas être une simple chambre d’enregistrements orchestrée par les dirigeants de l’administration mais l’expression de revendications communes à l’ensemble du personnel quant à l’organisation du service et à ses missions. Pour se faire, il faudra aller au delà des premières actions syndicales menées cette année et imaginer des formes nouvelles de revendications pour mieux faire sortir le ver du fruit. Au quotidien, continuer à utiliser les mots qui sont les nôtres (éducation populaire, vie associative, formation, conseil, initiative des jeunes, projets associatifs) contre les concepts fumeux de cohésion sociale, d’ensemblier et répéter la spécificité des missions liées aux compétences et leur importance compte-tenu des attentes des publics.

Deux ouvrages pour mieux comprendre les origines et les objectifs précis de la réforme et réagir en conséquence :

l’État démantelé, enquête sur une révolution silencieuse , par Laurent BONELLI et Willy PELLETIER, Éditions La Découverte, septembre 2010.

Désobéir pour le service public , par les Désobéissants, Éditions le passager clandestin, Quétigny, septembre 2010

Laurent DAILLIEZ, EPA